NE NOUS LAISSONS PAS TROMPER PAR NOS CROYANCES ET NOS ILLUSIONS
- Jan Debernardi
- 8 févr.
- 7 min de lecture

« Un croyant ne peut être qu’un intolérant. Ou alors, il n’est pas croyant »
Le cerveau fabrique beaucoup de choses !
A plus de quatre-vingts ans, je ne crois toujours pas en Dieu. Merci à mon père, qui était communiste dans sa jeunesse, de ne m’avoir pas baptisé et m’avoir élevé comme un libre penseur ; libre également d’adhérer ou non à la pensée de Karl Marx qui disait « La religion est l’opium du peuple ».
Une pensée déconcertante me donne maintenant le vertige : l’impression que notre vie n’est rythmée que par l’instinct de survie et la reproduction ; tout le reste est le fruit de ce que nous ressentons ou nous imaginons : l’illusion. On ressent de l’amour que l’on croit pour toujours, que l’autre croit aussi, jusqu’au jour où il n’est plus au rendez-vous. L’oiseau s’est envolé. Nous sommes dans le ressenti, comme celui des enfants qui disent que l’instituteur ne les aime pas parce qu’il leur a mis une mauvaise note, comme celui du chagrin qui s’amenuise avec le temps. Léo Ferré chantait : « Avec le temps va, tout s’en va ».

Si les morts ressuscitaient nous serions très embarrassés !
Écoutez l’histoire de cet homme mobilisé pour partir en guerre et porté disparu. Son épouse et ses enfants, reçus par les autorités militaires, eurent droit aux condoléances d’usage et durent faire leur deuil. Puis, avec le temps, la veuve se remaria et eut d’autres enfants. Mais voilà qu’un jour, quelqu’un frappa à leur porte : le disparu était de retour, presque méconnaissable. Il n’était pas mort mais retenu prisonnier par l’ennemi, isolé du monde dans des conditions inhumaines. À votre avis, que se passa-t-il à cet instant dans la tête de cet homme et quelle furent les réactions de sa famille qui le croyait mort ? Difficile n’est-ce pas ! Et bien c’est ce qui se passe souvent quand quelqu’un décède ; au bout d’un certain temps, la douleur s’en va et la vie continue. Alors maintenant, des années après la clôture de la succession, une fois que les vêtements du défunt ont disparus et que l’héritage a été distribué et utilisé, imaginez que le disparu ressuscite d’entre les morts et vienne frapper à la porte !
L’instinct de survie et de reproduction au pays de l’illusion
Pour survivre il faut se nourrir. Pour se nourrir il faut des moyens (argent). Et pour vivre il faut aussi éprouver du plaisir dans le sexe et par tout ce que l’on ressent (le ressenti). On entend aussi cette expression « il n’y a que l’argent et le sexe qui comptent ». Il est vrai qu’à regarder ces émissions de télévision qui déversent à flots les grandes affaires criminelles, on tue souvent pour de l’argent ou ce qui touche au sexe ; le reste est du domaine de l’imaginaire, du ressenti comme la jalousie, la perversité et autres fantasmes ou représentations mentales. Boris Vian a écrit : « L'histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre. »
Le monde, c’est notre cerveau qui le produit

Tout ce que nous connaissons du monde dépend de la conscience humaine, de notre intellect, de notre cerveau. En 1820, Schopenhauer exposait ainsi sa thèse à ses étudiants à l'université de Berlin : « Il faut savoir se convaincre que le monde n'est là qu'à l'état de connaissance et du même coup dépendant du sujet connaissant que chacun est pour lui-même. L'être des choses est identique à sa prise de connaissance. « Elles sont » veut dire : elles sont représentées. Vous vous dites qu'elles seraient quand même là s’il n'y avait personne pour les voir et se les représenter. Mais essayez donc un peu de vous représenter clairement ce que serait alors l'existence de ces choses. Et vous verrez aussitôt que c’est toujours une vue du monde qui vous vient en tête et jamais un monde hors de toute représentation. Vous voyez donc bien que l'être des choses consiste en leur représentation. » … « Peut-être tout cela reste-t-il pour vous un paradoxe et que l'un ou l'autre parmi vous persiste à se dire en toute innocence : même si on vidait tous ces crânes de leur bouillie, cela n’empêcherait pas le ciel et la terre, le soleil, la lune et les étoiles, les plantes et les éléments d'être encore là. Vraiment ? Regardez donc la chose de plus près. Essayez de vous représenter intuitivement un monde où il n'y aurait pas d'êtres connaissants : le soleil est toujours là, la terre tourne sur elle-même, le jour et la nuit, les saisons se succèdent, la mer fait ses vagues, les plantes poussent... mais tout cela que vous vous représentez maintenant n'est jamais qu'un œil qui le voit, qu'un intellect qui le perçoit : c’est-à-dire exactement ce que l'hypothèse prétendait exclure. Vous ne connaissez ni ciel, ni terre, ni soleil comme ils sont en soi et pour soi ; vous ne connaissez qu'une représentation où tout cela se produit et se met en scène. »
Le « cogito » de Descartes, « L’idéalisme absolu » de Berkeley ou la distinction du phénomène et de la chose en soi de Kant ne sont pas loin. Mais Schopenhauer avait aussi adhéré à la philosophie du Vedânta.

Modestement, tout cela me ramène à la crise existentielle de mon adolescence quand je pratiquais le yoga, lisais Swami Vivekananda, cherchant l’explication de toute chose dans le moi le surmoi et le çà entre deux séances d’une psychanalyse dont la durée aurait nécessité plusieurs vies.
Doit-on croire à ce que l’on voit ?
C’est un sujet que j’ai pu aborder dans le programme de physique en terminale où l’on parlait de ce professeur à l’université qui faisait de brillants exposés sur la nature ondulatoire de la lumière, une lumière qu’il n’avait jamais vue puisqu’il était né aveugle. On pouvait donc lui parler par exemple de la longueur d’onde des couleurs (symbole Lambda) et toutes leurs caractéristiques mais il ne saurait jamais ce qu’éprouve un voyant. En allant plus loin, nous ignorons si les autres voient les couleurs comme nous ; tout ce que nous savons c’est que nous désignons chaque couleur sous le même mot. Essayez de définir une couleur par la sensation qu’elle vous procure ; vous n’y parvenez pas car c’est du domaine de l’intransmissible, du ressenti. Ainsi, quand je dis qu’aujourd’hui il fait beau et que le ciel est bleu, mon voisin qui regarde le ciel confirme : « ah oui le ciel est bleu ça fait plaisir », mais nous nous ne savons pas si nous avons vu le bleu de la même façon. Il en va de la sorte pour les daltoniens. Notre sensation des couleurs est une création de notre cerveau qui réagit face à chaque longueur d’onde. On croit savoir, par exemple, que les chats ne voient pas les couleurs comme les humains. Le monde en couleur ne serait ainsi qu’une illusion pour nous permettre de mieux distinguer les choses.
Nous sommes donc prisonniers de nos sens et je ne sais pas s’il existe des personnes capables de s’en évader. Je garde en mémoire cette phrase de Monsieur Baudoin (prof de philo à l’EN de Nice en 1965) : « Essayer un peu d’imaginer, des êtres plats vivant sur une surface ? ». De la même façon, dans notre perception de l’univers en trois dimensions, plus la notion de temps, nous avons du mal à imaginer une quatrième dimension.
Le papillon de Tchouang-Tseu

Cette recherche du vrai et de la frontière entre le rêve et la réalité m’a emmené jusqu’à l’histoire du papillon de Tchouang-Tseu quatre siècles avant notre ère : « Tchouang-Tseu rêva qu'il était papillon, voletant, heureux de son sort, ne sachant pas qu'il était Tchouang-Tseu. Il se réveilla soudain et s'aperçut qu'il était Tchouang-Tseu. Il ne savait plus s'il était Tchouang-Tseu qui venait de rêver qu'il était papillon ou s'il était un papillon qui rêvait qu'il était Tchouang-Tseu. »
Quand croire en Dieu vous vient en aide
Dans un précédent article, j’avais raconté l’histoire de cet ami Kabyle qui voulait se défaire de sa dépendance au tabac et à l’alcool. J’essayais bien de lui raconter comment j’avais cessé de fumer par force de volonté mais il me répondit qu’il ne pouvait prendre le même chemin que moi car nous étions tous différents. La discussion se poursuivi sur le thème de la propreté morale et du manque de spiritualité de ce monde des années 90. Quelques mois plus tard, je le rencontrais sur la Place du Marché, l’air sûr de lui et rayonnant. Il était retourné faire des prières à la mosquée et en quelques semaines sa dépendance au tabac et à l’alcool s’était envolée. Comprenne qui peut.
Le prétexte de certains religieux pour perpétuer la domination de l’homme sur la femme.
Il est clair que certains religieux ont très peur de l’égalité des sexes. Ils perdraient en effet le pouvoir qu’ils ont sur leurs femmes. Cela les arrange bien d’invoquer Dieu au prétexte de protéger la femme. Souvenons-nous que dans les sociétés primitives régnait le matriarcat.

Les temps changent et Il faut s'adapter. Si nous disons stop à l'intolérance et au racisme, on dit aussi que les religions doivent s'adapter au monde actuel et aux droits de la femme ! L'avortement ou le divorce n'ont jamais été des choix faciles, rien ne servait de les diaboliser et les religieux de Rome ont dû mettre "de l'eau dans leur vin" sur ces questions. Le droit des femmes dans nos sociétés s'est imposé jadis par des luttes acharnées. Il est vain de continuer à diaboliser la femme pour mieux la soumettre.
Les guerres de religion
Les appels à la violence que font certains au nom des textes saints doivent être combattus car ils ne font que déformer leur sens et suscitent des actes terribles de barbarie comme ceux que nous vivons depuis quelques années. N’oublions pas la triste époque des guerres de religion en France avec des dates comme la nuit de la Saint-Barthélemy en 1572 ou le massacre des Albigeois en 1209 qui sont des sombres moments de notre histoire avec des dizaines de milliers de morts.
Tous les appels à la violence contre telle ou telle religion sont vains et ne font que servir les ennemis de la démocratie utilisant le crime et la barbarie pour dresser les communautés les unes contre les autres afin d’imposer par le sang une nouvelle dictature. « Diviser pour régner » ne date pas d’hier et nous risquons de payer très cher notre passivité si nous ne défendons pas notre Liberté et le principe de séparation de l’église et de l’État.
Quand l’astronome Galilée fut jugé pour hérésie par l’église (1616)
L’astronome italien Galilée fut jugé pour hérésie par l’église de Rome après avoir soutenu que la Terre n'était pas le centre de l'univers, et fut contraint de minimiser ses convictions devant les inquisiteurs. Son mot « Et pourtant elle tourne ! » aurait été, selon la légende, prononcé pour lui-même après avoir été forcé d'abjurer sa théorie mettant le soleil au cœur de notre Système solaire. Abjuration qui, si elle lui a sauvé la vie, n'aura pas suffi à lui éviter le châtiment. En 1633, l'astronome italien est condamné pour hérésie, condamnation immédiatement commuée par le pape en une peine de résidence surveillée.
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